2018 : un été meurtrier pour l’environnement

Nicolas Hulot painted portrait par Thierry Ehrman

Alors que Météo France annonçait que 2018 se place au second rang des étés les plus chauds depuis 1900, Nicolas Hulot décidait de quitter le ministère de la transition écologique et solidaire.

Marqué par de nombreuses périodes de fortes chaleurs, voire de canicule, Météo France annonçait le 28 août, dans un communiqué de presse, que l’été 2018 se positionne au second rang des étés les plus chauds depuis 1900, entre 2003, en tête, et 2015 et 2017.

Et selon le chercheur du CNRS Florian Sévellec, le thermomètre n’est pas près de redescendre. Publiée le 14 août dans Nature Communications, son étude montre que la période 2018-2022 risque d’être encore plus chaude que ce que laissait présager le réchauffement climatique en cours.

Dans les Alpes, quatre personnes ont trouvé la mort pour le seul mois d’août à cause d’effondrements de pans entiers de roches. En cause dans ces effondrements, la dégradation du pergélisol, une des traductions dramatiques du réchauffement climatique sur les hauts sommets. Le pergélisol désigne un sol ou une roche dont la température se maintient au-dessous de zéro degré sur de très longues périodes. En haute montagne, il permet la création de glace, qui joue le rôle de ciment dans les fissures des parois. Or, depuis plus d’une quinzaine d’années, le pergélisol se réchauffe et déstabilise les parois, qui se décrochent.

Dans l’autre hémisphère, l’Australie – à la 14ème position mondiale des émetteurs de carbone par habitant – a renoncé, lundi 20 août, à inscrire dans la loi ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre auxquels elle s’était engagée lors de l’accord de Paris en décembre 2015.

Plus au sud, sur l’île aux Cochons, située dans la réserve naturelle des Terres australes françaises, se trouvait la plus grande colonie de manchots royaux au monde. Des chercheurs du Centre d’études biologiques de Chizé ont constaté, grâce à des images satellites de haute résolution, un déclin massif de 88 % de cette colonie. Ces résultats ont été publiés dans Antarctic Science le 25 juillet dernier.

Avec toutes les données dont on dispose aujourd’hui, on voit bien ce qui va se passer si rien ne change. Le monde, avec 5°C de plus à l’horizon de la fin du siècle sera invivable pour toutes les espèces, dont l’humanité.

Prix Nobel de la paix et ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan est mort samedi 18 août à 80 ans. Venu à Paris en décembre 2017 pour le sommet sur la finance verte, Kofi Annan avait alors mis en garde contre « la démission des dirigeants actuels » face aux grands défis mondiaux, dans un entretien à l’AFP.  Parlant notamment du dérèglement climatique, il avait indiqué : « Par le passé, quand nous traversions cette sorte de crise, nous avions des dirigeants qui avaient le courage et la vision du monde nécessaires pour vouloir agir, pour comprendre qu’il leur fallait travailler avec les autres […] Aujourd’hui, les dirigeants vont dans la mauvaise direction, [ils] abandonnent. »

C’est justement face à la politique du gouvernement français pour lequel, selon Nicolas Hulot, l’écologie n’est pas la priorité, alors que « ce sujet conditionne tous les autres » que le ministre de la transition écologique et solidaire, a annoncé son départ du gouvernement au micro de France Inter mardi 28 août : « Je prends la décision de quitter le gouvernement », a-t-il affirmé, ajoutant : « Je ne veux plus me mentir ». L’ex-ministre assure avoir longuement mûri sa décision pendant l’été et s’être finalement décidé lundi soir alors que le Président de la République Emmanuel Macron recevait à l’Elysée Thierry Coste, lobbyiste pro-chasse, lors d’une réunion sur la réforme de ce « loisir ».

Nommé ministre en mai 2017, après avoir renoncé à une candidature à la présidentielle un an plus tôt, l’ancien présentateur vedette de TF1 avait dû accepter bien des décisions contraires à ses convictions, au-delà de certaines victoires symboliques comme l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, la fin de la production d’hydrocarbures en France ou l’interdiction progressive de l’utilisation du glyphosate dans l’agriculture.

Il avait également dû endosser le report de l’objectif consistant à ramener la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % en 2025, ou l’entrée en vigueur provisoire de l’accord de libre-échange UE-Canada (CETA). La possibilité de sa démission avait donc été sous-entendue à de nombreuses reprises.

Dans une tribune, 10 ONG environnementales (Fondation pour la nature et l’Homme, Agir pour l’environnement, France nature environnement, Générations futures, les Amis de la Terre, Réseau sortir du nucléaire, Action des citoyens pour le désarmement nucléaire, Association pour la protection des animaux sauvages, Virage énergies et Société nationale de protection de la nature) enjoignent Emmanuel Macron à “changer de cap”.

Parmi ces ONG, France Nature Environnement, fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement dont le CAPREN est un membre actif, salue l’engagement du ministre démissionnaire et de ses efforts sincères tout au long de l’année écoulée.

Pour Michel Dubromel, président de France Nature Environnement, « nous partageons l’analyse de Nicolas Hulot : les enjeux écologiques ne sont pas suffisamment pris en compte par le gouvernement, dans lequel le ministre de la Transition était trop souvent isolé dans ses orientations exigeantes. Malgré ses efforts, le bilan de la première année est maigre sur le plan concret. L’écart entre l’urgence et la gravité des problèmes, dont nous constatons chaque jour la réalité, et les timides avancées, voire parfois les régressions, est trop fort ».

France Nature Environnement attend maintenant du gouvernement, interpellé par cette décision, qu’il change de braquet en matière de politiques écologiques. De très importants chantiers sont devant nous : la réforme de la Politique Agricole, la transition énergétique et les choix sur la Programmation Pluriannuelle de l’Energie, la lutte contre l’érosion de la biodiversité, l’alimentation et la santé-environnement, la cohérence du budget avec les objectifs de transition, les enjeux d’une mobilité durable constituent des enjeux fondamentaux. Pour France Nature Environnement, l’heure n’est plus à trouver des compromis, à lancer des réflexions : l’action est urgente, et elle doit être menée en cohérence par tous les membres du gouvernement, sans complaire aux nombreux lobbies dont les interventions sont incessantes.

Pour sa part, le monde associatif poursuit sa mobilisation continue, des « grands » aux « petits » sujets, au niveau des politiques nationales comme en ce qui concerne les décisions locales. Il entend que le gouvernement le traite comme un partenaire à part entière.