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Les néonicotinoïdes, des poisons pour la santé et l’environnement

Publié le 18 juillet 2025

Décriés en raison de leurs effets désastreux sur la santé humaine, animale et sur l’environnement, les néonicotinoïdes, des insecticides qui s’attaquent directement au système nerveux, reviennent régulièrement dans les débats. Interdictions, réautorisations, études sanitaires, alternatives… Colette, référente Santé-Environnement à France Nature Environnement Côte d’Or, fait le point.

Stéthoscope

Des impacts sur la santé humaine, animale et sur l’environnement

Les effets des néonicotinoïdes ne sont plus à démontrer :

Une évaluation mondiale de leurs effets a été réalisée par 29 scientifiques représentant de nombreuses disciplines. Ils ont synthétisé la connaissance scientifique des impacts (réels et potentiels) de ces pesticides à partir de 1121 études analysées couvrant les 5 dernières années. Elle est l’étude la plus complète sur le sujet et est publiée en libre accès.

Les néonicotinoïdes sont capables de parcourir des milliers de kilomètres à travers l’air et l’eau et restent des années dans les différents milieux.

Ils se retrouvent donc à des concentrations variables en dehors des zones traitées : ils ruissellent vers les sols environnants et les habitats aquatiques. Cette eau polluée ainsi que la poussière créée pendant les semis de semences enrobées peuvent contaminer les plantes qui poussent à proximité des terres agricoles et avoir, de ce fait, un impact important sur de nombreux invertébrés herbivores non-cibles a priori.

Ils se dégradent en produits (métabolites) souvent plus dangereux que la substance mère, tuant directement ou lentement les invertébrés terrestres et aquatiques, impactant les oiseaux, les mammifères, les poissons,… et les écosystèmes dans leur fonctionnement général.

Les néonicotinoïdes ont des effets toxiques aigus mais aussi après une exposition à long terme à des concentrations faibles (non létales) sur le système nerveux et les dommages causés peuvent inclure chez les animaux : l’altération de l’odorat ou de la mémoire, la diminution de la fécondité, la modification du comportement alimentaire y compris la réduction du butinage chez l’abeille, la modification du comportement de creusement des galeries chez les vers de terre, la difficulté à voler et une susceptibilité accrue aux maladies….

En raison de leur propriété physico-chimique et de leur mode d’action similaire, il apparaît au regard des données scientifiques disponibles, que la neurotoxicité et le caractère perturbateur endocrinien chez l’humain sont des motifs récurrents chez toutes les substances de cette famille, justifiant leur interdiction.

Abeilles

Les néonicotinoïdes, comment ça fonctionne ?

Les néonicotinoïdes sont une famille d’insecticides ayant un mode d’action similaire : ils agissent sur le système nerveux central en se liant sur les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine entraînant une paralysie puis la mort.

La plupart des néonicotinoïdes comme l’acétamipride ont une structure chimique comparable à celle de la nicotine. Deux autres substances (le sulfoxaflor et la flupyradifurone), ont une structure chimique différente mais possèdent le même mode d’action via les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine, et doivent donc être considérées à ce titre comme des néonicotinoïdes.

Ce sont des pesticides dits “systémiques” car ils ont la capacité de diffuser dans toutes les parties de la plante (y compris le pollen et le nectar pour les plantes mellifères).

Lit d'hôpital

L’acétamipride en détails

Il s’agit du composé le plus étudié à ce jour.

L’EFSA a été mandatée par la commission européenne en 2022 pour vérifier si une réévaluation des paramètres toxicologiques utilisés pour l’analyse de risque et la limite maximale des résidus dans l’alimentation était nécessaire. Dans un avis rendu en 2024 il apparaît qu’un risque de toxicité pour le neurodéveloppement a été mis en évidence.

De nouvelles publications scientifiques convergent vers ces conclusions confirmant les risques de trouble du neurodéveloppement chez les jeunes enfants et les fœtus. Cependant, il manque encore des données réglementaires pour permettre d’acquérir une compréhension mécanistique plus robuste et d’identifier tous les effets de la toxicité neurodéveloppementale.

Pour tenir compte de ces incertitudes/limitations, l’EFSA a proposé d’inclure un facteur d’incertitude supplémentaire de 5 pour le calcul de la dose journalière admissible (DJA) soit : passer d’une DJA de 0,025 mg/kg de poids corporel (pc) par jour à 0,005 mg/kg pc par jour, y compris pour les agriculteurs et pour les riverains.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat en 2025, rappelle que l’ avis rendu par l’EFSA en  2022 relève également que « la possibilité d’une sensibilité inter-espèces élevée des oiseaux et des abeilles à l’acétamipride pourrait nécessiter un examen plus approfondi… ».

Il rappelle également l’existence « d’études scientifiques faisant état de la présence de métabolites de cette substance dans le liquide cérébrospinal de la grande majorité d’une cohorte d’enfants soignés pour un cancer lymphoïde » et que, « l’acétamipride constitue dès lors une préoccupation de neurotoxicité développementale ».

Gouttes d'eau

Le flupyradifurone en détails

Bien que moins de données soient disponibles pour le flupyradifurone que pour l’acétamipride, une évaluation de risque par l’EFSA, menée en 2015, indique un potentiel très élevé de contamination des eaux souterraines, avec un risque de dépassement de la limite de qualité de 0,1μg/L pour tous les usages de la substance. Malgré ce risque, la substance a été autorisée par la Commission Européenne, qui recommande toutefois aux Etats Membres de “porter une attention particulière aux risques de contamination des eaux souterraines”.

En ce qui concerne le risque spécifique pour les abeilles, des recherches récentes ont révélé une mortalité de 100 % chez une espèce d’abeille solitaire (Osmia lignaria), même à des doses d’application normales. L’EFSA indique qu’il existe des “incertitudes” concernant le risque pour les abeilles domestiques.

De plus, alors que des alertes existent, le potentiel perturbateur endocrinien n’a encore jamais été évalué.

Serres

Le sulfoxaflor en détails

Là encore, moins de données sont disponibles pour le sulfoxaflor que pour l’acétamipride.

Bien que le sulfoxaflor ne soit autorisé dans l’UE que sous serre, l’EFSA indiquait déjà dans une évaluation en 2014 pour cette substance “un risque élevé, tant en champ qu’en dehors, pour les arthropodes non ciblés.” Par ailleurs, l’évaluation du risque chronique pour les abeilles solitaires et les bourdons, ainsi que le risque de toxicité aiguë pour ces derniers, n’a jamais été finalisée.

Les données actuelles ne permettent donc pas de conclure à une conformité de la substance active avec les critères d’approbation européen.

En matière de toxicologie humaine, l’EFSA recommandait d’investiguer correctement les effets génotoxiques (altérations chromosomiques ou autres dommages au génome augmentant potentiellement le risque de cancer ou de maladies héréditaires). Pourtant aucune demande de données confirmatives n’a été adressée au fabricant.

D’autre part, le Conseil d’Etat en 2025 a jugé que « la circonstance que l’usage du sulfoxaflor reste autorisé, au niveau européen, sous serres permanentes n’est pas de nature, en tant que telle, à démentir l’existence des risques pour la santé humaine ou animale ou l’environnement établie par les données et études scientifiques ayant conduit les autorités françaises à adopter le décret du 16 décembre 2020. »

Conseil d'Etat

Les néonicotinoïdes et la loi : un peu d’histoire

La loi « Pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » prévoyait, dès le 1er septembre 2018, l’interdiction des produits à base de néonicotinoïdes (y compris l’acétamipride, la flupyradifurone et le sulfoxaflor). Des dérogations pouvaient alors être accordées jusqu’au 1er juillet 2023.

C’est le 16 décembre 2020 qu’un décret interdit l’acétamipride, le sulfoxaflor et la flupyradifurone, ces trois insecticides de la famille des néonicotinoïdes, sur la base de nombreuses données scientifiques.

En 2023, l’abrogation du décret de 2020 est demandée par le syndicat professionnel Phyteis (le lobby des fabricants de pesticides en France), s’appuyant sur de nouveaux avis de l’EFSA (autorité européenne de sécurité des aliments) et l’absence de retrait de ces 3 substances au niveau européen.

Un récent arrêt du conseil d’Etat, en date du 11 juin 2025, donne raison aux ONG qui soulignent les risques environnementaux et sanitaires de ces insecticides et remet les faits scientifiques au centre des débats soulignant ainsi la légitimité de cette interdiction. Bien que ces 3 substances soient toujours autorisées au niveau européen, le Conseil d’Etat confirme que le règlement sur les pesticides 1107/2009 donne aux Etats Membres la possibilité d’interdire au niveau national des substances jugées dangereuses. Le Conseil d’Etat conclut que « les éléments avancés par le syndicat requérant ne suffisent pas à réfuter les études scientifiques sur lesquelles les autorités françaises se sont appuyées en décembre 2020, ni par suite à écarter les risques ainsi caractérisés en ce qui concerne ces trois substances ». 

Le 8 juillet, les député·es ont voté la loi Duplomb contre l’avis des scientifiques, des soignant·es, des apiculteurs, des syndicats et des citoyen·nes. Ce texte dévastateur pour la santé, la biodiversité et l’agriculture paysanne, porté par le syndicat agricole FNSEA et l’agrochimie, réautorise notamment l’acétamipride, le sulfoxaflor et la flupyradifurone.

Betterave à sucre

Des alternatives existent

Des expérimentations réussies notamment dans les secteurs des filières noisette et betterave sucrière ont démontré que des méthodes alternatives existent.

Par exemple, pour la filière noisette, c’est bien en France, même avec l’interdiction des néonicotinoïdes, que les rendements sont les meilleurs (voir les graphiques dans les documents ci-dessous).

Face à l’ensemble de ces défis, une reconception des systèmes de production est nécessaire afin d’associer plusieurs solutions dans une démarche combinatoire : infrastructures agroécologiques, cultures auxiliaires, meilleure gestion de la ressource en eau, produits de biocontrôle, etc.

Pour la santé de toutes et tous, et de notre environnement, aux côtés de nombreuses associations, FNE 21 défend une bio vivante, locale, équitable et accessible à toutes et tous !

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