L’eau dans tous ses états

 

 

Lors de la séance plénière du CESER BFC, une contribution a été rendue dans le cadre des consultations sur le projet de Schéma Directeur d’Aménagement des Eaux (SDAGE) pour le bassin Rhône-Méditerranée 2022_2027 et sur le futur Plan de Gestion du Risque Inondation (PGRI), avis adopté à l’unanimité. Rapporteure de la commission Territoire Environnement, en voici la présentation.

« Compte tenu de l’ampleur considérable du travail potentiel ouvert par les consultations lancées sur les Schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux et les Plans de gestion des risques d’inondation, il  a décidé que le CESER se focaliserait strictement sur l’unique bassin Rhône-Méditerranée. Si les dispositions du SDAGE 2016-2021 sont toujours d’actualité et la poursuite de leur mise en œuvre sur 2022-2027, une priorité, les acteurs ont souhaité aussi renforcer un certain nombre d’enjeux majeurs. 

Le Programme de mesures 2022-2027 identifie 6 805 mesures. Ce nombre a baissé de près de 30 % par rapport à 2016-2021. Le CESER ne peut que saluer ce resserrement car il lui apparait plus que jamais nécessaire de concentrer les moyens sur les priorités jugées les plus essentielles, là où les pressions sur les milieux aquatiques sont les plus fortes et d’éviter le saupoudrage sur des projets nombreux mais d’impact faible.

Sur de nombreuses thématiques, le bilan du SDAGE « montre des résultats satisfaisants » qu’il s’agisse des pollutions, de la restauration des milieux ou de la gestion de la ressource en eau. Mais, car il y a un « Mais », le chemin pour notre territoire en particulier reste encore considérable. Rappelons que le pourcentage des masses d’eau superficielle en bon état n’est que de 26 % pour le territoire Saône-Doubs contre 48 % pour l’ensemble du bassin Rhône-Méditerranée

Il est regrettable que ce projet ne traite pas suffisamment des pollutions par les macro-déchets : le CESER préconise l’intégration d’une disposition spécifique dans ce projet de SDAGE « Réduire les pollutions des cours d’eau par les macro-déchets ».

Le CESER ne peut que soutenir le renforcement de ce projet de SDAGE sur la question de la gestion quantitative de la ressource en eau compte tenu de la situation que nous connaissons en matière d’accélération des effets du changement climatique. Malheureusement, on constate un inquiétant manque d’anticipation des acteurs concernés à quelques rares exceptions près : c’est dès maintenant qu’ils doivent se mobiliser sur cet enjeu considérable.

Le CESER ne peut que rejoindre l’impératif de mise en œuvre d’actions d’économie d’eau notamment via les Projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE). Si la sobriété est essentielle, il est bien noté que ce projet donnait à voir tout un panel de solutions, sans exclusion, qui devraient être étudiés localement et mobilisés de façon raisonnée, dans le respect de la réglementation :

3 types d’action doivent être prioritairement engagés : 

– Généraliser les économies et les récupérations d’eau,

– Développer le recyclage des eaux usées,

– Rénover les réseaux d’eau en veillant à garder un prix de l’eau acceptable pour tous les citoyens.

Le CESER rappelle que la lutte contre les pollutions aux pesticides et aux nitrates est toujours un enjeu majeur. Pourtant, il souligne tout à la fois l’incohérence entre la volonté de restaurer la qualité des eaux et le fait de ne pas mettre les financements nécessaires ; il signale la limite de l’efficacité de ces programmes notamment concernant les pollutions liées à certaines pratiques agricoles. Si les pratiques agricoles évoluent, le constat opéré par les acteurs du bassin est une incapacité notable des politiques de l’eau à changer les pratiques à la hauteur des enjeux actuels.

On souligne que les rectifications, canalisations, endiguements de cours d’eau constituent la première cause de dérogation à l’objectif d’atteinte du bon état des eaux tout particulièrement pour notre territoire, le CESER considère que cette question de la restauration des cours d’eau doit donc faire l’objet d’une accélération considérable de l’engagement des actions.

Une évolution de ce projet porte sur la volonté de renforcer la concertation et la gouvernance territoriale de l’eau. Le CESER regrette d’abord que les références aux compétences et aux responsabilités des Conseils régionaux soient presque inexistantes. Contrairement à d’autres bassins, ce projet n’intègre aucun développement sur les SRADDET. De plus, les enjeux portés par les Plans régionaux de prévention et de gestion des déchets ne sont pas suffisamment pris en compte.

Concernant notre Région, le CESER a pu noter depuis 2019 de timides avancées sur la politique de l’eau dans le respect d’ailleurs de certaines préconisations formulées par le CESER. C’est une satisfaction que nous devons souligner. Néanmoins, le CESER est toujours en attente de décisions fortes de la part de la Région en lien avec les préconisations formulées par le CESER dans son avis d’avril 2019.

De plus, le CESER souhaite insister sur l’importance :

  • de construire une gestion locale intégrée des enjeux liés à l’eau,
  • d’identifier des territoires et des acteurs « locomotives »,
  • d’avoir des moyens financiers suffisants à disposition des maîtres d’ouvrage publics afin de faciliter leur mobilisation toujours insuffisante actuellement,
  • de s’interroger sur la façon de les amener encore plus sûrement, et rapidement, à franchir le pas de l’action.

Enfin, le CESER identifie 4 situations sur lesquelles il souhaite alerter les acteurs locaux : l’Axe Saône, le Dijonnais, le Nord Franche-Comté, le bassin versant de la Loue.

Le projet de Plan de gestion du risque inondation (PGRI) 2022-2027 reprend les grands objectifs du précédent.

L’Etat a cependant souhaité renforcer un certain nombre de dispositions. Ces renforcements portent notamment sur les points suivants :

  • Mieux informer les populations, diffuser la culture du risque en améliorant le recueil de données, la transmission des informations, le développement des connaissances (crues torrentielles, ruissellement, remontées de nappes) ainsi que leur diffusion.
  • Renforcer la gouvernance (échelles pertinentes, synergie des politiques, pilotage,…),
  • Travailler à l’adaptation du bâti existant exposé aux inondations par une meilleure connaissance de sa vulnérabilité et par un accompagnement à la réalisation de travaux.

La lutte contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain constituent pour le CESER l’enjeu n° 1 car il est avant tout un enjeu préventif. Ce point a été relevé à maintes occasions dans ses travaux. En effet, l’urbanisation amplifie le phénomène d’inondation.

Cependant, tant via le projet de SDAGE que ce projet de PGRI, le CESER note des signes inquiétants d’insuffisances clairement établies dans l’application de ces enjeux localement. Cela interroge le rôle des élus locaux dans l’aménagement du territoire de leurs administrés et remet au cœur des enjeux la définition et la mise en œuvre des politiques urbanistiques pilotées localement.

Ainsi, le CESER préconise de faire de la question de l’artificialisation raisonnée des sols pour l’habitat et les activités un enjeu commun coordonné entre les projets de SDAGE et de PGRI afin de renforcer sa visibilité et d’insister sur l’urgence d’agir prioritairement sur cette question.

Précisons également que, sur cette problématique, le CESER a noté tout l’intérêt pour le projet de SDAGE de rappeler, concernant la séquence Eviter-Réduire-Compenser (ERC), la priorité à donner à l’évitement et la réduction des impacts avant même d’envisager une compensation. Le CESER avait lui-même formulé cette préconisation dans sa contribution relative à la 3ème Stratégie nationale pour la biodiversité adoptée le 7 avril 2021. Le CESER rejoint la préoccupation du SDAGE visant à sensibiliser les maîtres d’ouvrages en amont des procédures réglementaires sur les enjeux environnementaux à prendre en compte et ce, afin de faciliter la mise en œuvre de cette séquence ERC.

Pour le CESER, la question de l’acceptabilité de l’interdiction de construire doit se poser. Celle-ci n’est pas toujours bien perçue ni par les élus locaux qui cherchent à développer leur commune autant que possible, ni par certains citoyens cherchant des types d’habitat bien spécifiques. Ne faudrait-il pas travailler à diffuser dans la population une culture de la « non-construction » ?

La majorité des Plans de prévention des risques inondations existants aujourd’hui sont des plans « débordement des cours d’eau ». De fait, la mesure des effets des phénomènes de ruissellement est encore insuffisante. Les modélisations à réaliser sont complexes notamment pour les secteurs urbanisés. Le CESER a bien noté que ce projet de PGRI insistait justement sur l’importance de développer la connaissance de ces phénomènes. Le CESER rappelle les études qui ont été menées sur ce sujet pour les secteurs viticoles de Côte d’Or et de Saône-et-Loire. Il conviendrait d’étendre ce type d’études scientifiques à d’autres territoires.

En conclusion,

La question de l’eau, quelle qu’elle soit, touche et intéresse tout le monde. Il s’agit d’un « patrimoine commun de la nation »[1] tout simplement essentiel à l’humanité.

Au-delà des obligations légales et réglementaires, nombre d’actions du SDAGE et du PGRI reposent sur la « bonne volonté » des acteurs, y compris publics. Les instances impliquées (Agence de l’eau, DREAL) misent fortement sur l’incitation, l’adhésion par le dialogue et pour le CESER, il s’agit prioritairement de convaincre les acteurs potentiels de ce nécessaire passage à l’action, les acteurs convaincus étant naturellement les plus efficaces pour agir et pour informer.

Les collectivités locales concernées doivent notamment œuvrer en toute transparence sur cette question globale de la gestion de l’eau, de la reconquête des milieux aquatiques et de leur préservation.

Mais pour le CESER, il convient également de renforcer l’association des usagers à ces démarches et de développer la mobilisation citoyenne sur l’indispensable prise de conscience des enjeux liés à l’eau.

Enfin, le CESER redit ici combien l’accélération des effets du changement climatique doit être impérativement anticipée par tous en raison de ses impacts tant sur la problématique de la gestion quantitative que sur celle des risques d’inondation.

 

[1] Loi sur l’eau du 3 janvier 1992.

Contribution SDAGE